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Farines de blé : toutes les explications !

 

 

T65, T80, T110 : pourquoi tant de chiffres et une seule lettre ?

Les pouvoirs publics se sont creusés les méninges depuis le XXᵉ siècle pour éviter les fraudes. Leur méthode imparable : brûler un échantillon de farine à 900 degrés et mesure la quantité de cendres restantes (si cendre il y a, grain de blé il y a eu). Le taux de cendres pour 100 grammes de matière sèche correspond aux fameux T : la T110 ou T150 sont celles qui contiennent le plus du grain originel. Les enveloppes du grain ne contenant pas de gluten ou presque, il faudra sérieusement s’accrocher pour faire lever une brioche avec ce type de farines.

À l’inverse, dépourvues du manteau du blé, les blanches T45, T55 ou T65 sont les alliées de la pâtisserie. La farine bise, la T80, est l’entre-deux : semi-complète. Notons qu’en Italie, la 00 utilisée pour la pâte à pizza ne fait pas référence à un pourcentage, c’est seulement la plus blanche sur l’échelle du pays qui s’étend de 0 à 2.

 

Le pain à la farine complète, c’est la santé ! Oui, s’il est au levain, car seule l’acidification qu’il implique permet à l’organisme d’assimiler tous les précieux nutriments que la farine contient.

Le pain à la farine complète, c’est plein de pesticides ! Oui, mais pas bien pire que celui à la farine blanche, blanchie, traitée chimiquement contre les parasites pendant le stockage et affichant également des résidus de pesticides. Solution pour les deux : opter pour du bio.

En bref : la T45 est la farine la plus blanche, la T150 la plus complète, donc la plus riche nutritionnellement mais la moins facile à faire lever car elle contient moins de gluten.

 

 

Quel est l’intérêt certain du moulin à meule de pierre ?

Dans les moulins industriels, des cylindres permettent de moudre beaucoup de blé, super rapidement, de plus en plus finement au fil des passages. Sont éliminés dans la foulée : primo, l’assise protéique, soit l’enveloppe interne du grain (l’équivalent de la doudoune sous le manteau en hiver) qui contient protéines, lipides, minéraux, vitamines, oligo-éléments ; deuxio, les enveloppes du grain (le manteau), riches en fibres notamment ; tertio, le germe, dont le taux de matière grasse peut jouer des tours dans la conservation du blé, et qui est pourtant riche en vitamines et autres réjouissances. La seule à ressortir de ce manège infernal est l’amande farineuse, reine de l’amidon : voilà la farine blanche. Dans le moulin à meule de pierre, les grains ne sont pas écrasés mais roulent en un seul passage et gardent tout le monde dans le même panier.

En bref : une farine moulue par un moulin à meule de pierre sera plus nutritive.

 

La farine est-elle un produit frais malgré sa température plutôt ambiante ?

La farine fraîchement moulue aura plus de qualités nutritives (et plus de goût !). Elle doit être conservée hermétiquement, au sec et au frais, à l’abri de l’humidité et de la chaleur. Vous souvenez-vous du germe qui reste dans le grain de blé grâce aux meules de pierre ? Il est susceptible de faire rancir la farine. Pour savoir si elle est encore consommable, un outil imparable existe juste sous votre nez : l’odorat. Si ça sent bon, ce sera bon.

En bref : Plus elle est fraîche, plus elle sera nutritive et goûtue.

 

 

Qu’est-ce qu’il y a exactement dans un sac de farine à part de la farine ?

Pas que du blé ! En tout cas dès qu’on s’éloigne d’une farine paysanne. Dans l’industrie de transformation du blé, depuis la seconde moitié du XXᵉ siècle, des additifs, les améliorants, sont ajoutés à la farine pour rendre les pâtes plus faciles à travailler et standardiser leur fabrication. C’est le job des amidonniers d’extraire le glucide du blé pour concevoir ces coups de pouce. Puis les moulins industriels procurent la farine corrigée à toute la filière, des baguettes surgelées des supermarchés à celles des artisans avec qui ils sont en contrat. Ils leurs fournissent aussi la recette clé en main. Comme pour un gâteau Alsa en boîte qui ne réclame que deux œufs à casser et un coup de fouet, le boulanger ou la boulangère n’ajoute que eau et sel au mix spécial pain rustique, marque Campaillette ou Banette par exemple. Tous les bénéfices reviennent au même acteur économique Vivescia, qui collectionne les titres : premier groupe céréalier français, premier meunier européen et deuxième groupe à vendre le plus de produits phytosanitaires en France.

Si vous voulez continuer à vous coincer sous le bras une baguette dont la farine montrerait patte blanche, tournez-vous vers la tradition française, qui n’a légalement le droit de contenir que de la farine, du sel, de l’eau, de la levure de boulanger et des additifs naturels (farine de fèves, de soja et de malt de blé, gluten). Sinon, choisissez une miche paysanne.

En bref : la farine issue de la filière agro-industrielle contient des améliorants qui facilite la manipulation des pâtes qu’elle garnit.

 

Comment réussir ce tour de force qui consiste à reconnaître une bonne farine sans même la goûter ?

Scoop numéro un, une bonne farine est une farine qui a du goût. D’où vient-il ? Rappelons-nous que le contenu de ce sac en papier est avant tout une graine semée. C’est là que commence la querelle des modernes et des anciens.

Les variétés de blés dites modernes ont été sélectionnées pour et par l’agro-industrie. Le blé ne doit pas faire de vague dans les champs : il poussera en masse et vite, qu’il grêle, que gronde l’orage, que s’abattent les insectes affamés et maladies ravageuses. Quand ces clones deviennent farine, ils font preuve de puissance, de constance, de résistance, ce qui fait fondre l’industrie boulangère. Ils savent tenir le choc face à l’impatience des fabricants (la pâte doit lever vite, très vite) et à leurs tours de main mécaniques nerveux (pétrissons vite, très vite). Résultat, ces blés ont des glutens très tenaces pour ne pas faiblir sous la pression. Et pour les digérer, y aura du pain sur la planche !

Les variétés de blés anciens sont une somme d’individus très différents, qui s’adaptent à leur terroir au fil du temps (donc qui réclament moins de phytosanitaires pour grandir). On parle très justement de populations. Cette harmonie confère une grande profondeur de saveur à la farine. Chaque année, paysans-boulangers et paysannes-boulangères récupèrent une partie des grains pour les replanter à nouveau. L’enjeu n’est pas tant folklorique : il s’agit surtout de produire de façon autonome ses propres semences et de se réapproprier un savoir-faire. Sans fournisseur ou intermédiaire, un revenu digne peut être maintenu.

En bref : une farine goûtue est issue de variétés locales anciennes de blés. Elle varie selon le mélange semé, son évolution au fil des ans et l’environnement dans lequel il grandit.

 

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